« ‘’Perturbations’’ est une comédie satirique qui dénonce les clichés
sur l’obésité »
Pour porter haut et fort le message de la tolérance, Jérôme
Genevray a écrit et filmé l’histoire de Victor, un employé en
situation d’obésité, confronté à la discrimination dans un avion.
Le scénariste-réalisateur raconte les coulisses de ce court-métrage.
Comment avez-vous pris connaissance du projet du film pour la
Journée mondiale de l’obésité ?
J’ai été approché par l’agence Breaking Web, avec qui
j’avais déjà travaillé à l’époque où je dirigeais une société de
production de films publicitaires.
En octobre 2022, elle m’a proposé de réaliser un court-métrage pour
lancer le débat autour de la tolérance et de l’acceptation des
différences dans le cadre de la Journée mondiale de l’obésité qui se
déroule chaque année le 4 mars.
Un film de fiction est-il un bon vecteur pour défendre cette cause ?
J’ai toujours été convaincu de la puissance des histoires et de
l’implication émotionnelle qu’elles créaient chez le spectateur. Un
film permet de transmettre un message qui amène le spectateur à
s’interroger. L’objectif de ce court-métrage est de s’adresser, autant
aux patients en situation d’obésité, qu’aux personnes qui ignorent
tout de cette pathologie.
En cherchant à faire bouger les idées reçues dont les uns et les
autres sont parfois prisonniers, on ouvre forcément le débat sur la
cause à défendre.
Comment avez-vous procédé pour construire la trame de votre
scénario ?
J’ai d’abord défini un planning assez court et j’ai réfléchi à divers
concepts, à divers pitchs, comme on dit dans le jargon. Pour alimenter
mon inspiration, je me suis appuyé sur de nombreuses vidéos de
patients en situation d’obésité confrontés à différentes situations.
Beaucoup y parlent de leur parcours, de leur quotidien. Ce matériau
très riche en émotions m’a permis de réfléchir à différents concepts
d’histoire. Ces trames ont ensuite fait l’objet de plusieurs
d’échanges avec l’agence, mais aussi le comité de pilotage constitué
d’associations de patients, de médecins, d’experts de l’obésité et de
représentants de l’entreprise de santé danoise Novo Nordisk. Ensemble,
nous avons choisi le pitch qui nous inspirait le plus.
Aviez-vous déjà travaillé sur les thèmes de l’obésité et de la
grossophobie ?
Non, pas du tout. Cette expérience s’est révélée d’autant plus
intéressante pour moi, car elle m’a permis de me plonger dans les
divers témoignages. Nous avons participé à plusieurs séances avec le
comité de pilotage et, en fonction de l’avancée du scénario, j’ai
ainsi pu percevoir jusqu’où pouvait s’étendre une situation
conflictuelle, et comprendre que les échanges intolérants n’avaient
parfois pas de limites… En tant que scénariste, on doit faire des
recherches pour saisir la réalité qui va sublimer la fiction. Pour
moi, c’était une position de rêve de pouvoir communiquer avec les
patients. Cela m’a permis de construire et d’écrire le scénario plus
rapidement, entre la véracité de la situation et les ressorts de la dramaturgie.
Pourquoi avoir choisi le décor d’un avion ?
Plusieurs pistes tournaient autour d’un personnage central en
situation d’obésité confronté au regard du monde. Entre les aventures
d’un super-héros, un drame, un conte avec un enfant comme personnage
principal, nous avions plusieurs pistes… Au fil de la réflexion,
l’idée de l’avion est apparue comme une évidence, car elle
synthétisait toutes les situations de tension décrites par les
patients. Dans le huis clos d’une carlingue, j’ai imaginé des gens qui
sortent de leurs gongs parce que confrontés à un moment de stress
intense. D’où le terme « Perturbations » choisi comme
titre du film. Cette approche a emporté l’adhésion de mes interlocuteurs.
Expliquez-nous le rôle de Victor, le personnage central ?
Victor est une personne en situation d’obésité. Il n’a pas voyagé
depuis longtemps et il n’est pas spécialement à l’aise avec les
avions. Il préfère rester chez lui, mais son employeur lui demande de
se rendre à New York pour rencontrer un client. Le premier problème,
c’est qu’à bord, tous les membres du personnel naviguant n’ont pas
forcément les bons réflexes pour proposer à Victor une extension de
ceinture, un siège un peu plus large… De plus, ce vol connaît de
grosses turbulences et Victor, comme les autres voyageurs, est
malmené. Cette situation va permettre de révéler la fausse tolérance
des passagers face aux imprévus.
Proposez-vous une Happy end ?
Plus qu’une fin heureuse, le film s’achève sur une fin ouverte qui
propose une possibilité simple afin que tout le monde s’entende.
L’histoire ne se veut pas moralisatrice, mais inspirante sur le sujet.
On a pris le parti d’une comédie satirique qui dénonce les clichés sur
l’obésité. Cela nous permet de pousser le curseur de la méchanceté
pour mieux révéler l’absurdité du raisonnement.
Au début du court-métrage, Victor attend son vol dans une caféteria
de l'aéroport et recontre une vendeuse. Quel est le message de cette scène?
Cette scène poursuit deux objectifs. Elle permet d’abord de créer une
relation qui, peut-être, deviendra amicale ou amoureuse entre la
serveuse et Victor. C’est le côté comédie romantique du court-métrage.
Mais sans le faire exprès, la serveuse, elle aussi en surpoids, va
stresser encore un peu plus Victor sur les conditions de vol en
propageant, de bonne foi, une rumeur selon laquelle les toilettes
d’avion sont trop exiguës pour les personnes en situation d’obésité.
Ce qui n’est pas le cas, mais ce qui n’est pas non plus très pratique…
Dans ces conditions, Victor va entrer dans l’avion en s’imaginant
qu’il ne pourra pas bouger pendant les huit heures que dure le vol.
En combien de temps, et avec qui, avez-vous écrit cette histoire ?
J’ai travaillé le scénario avec ma compagne, Camille Hédouin, pendant
trois semaines. Il fait une quinzaine de pages pour un film d’environ
quinze minutes. Ensemble, nous avions déjà écrit de précédents
courts-métrages. Cela permet de confronter les points de vue, de
rebondir.
J’en connaissais certains, d’autres ont rejoint le film via leur
agent.
C’est notamment le cas de Ted
Etienne, l’acteur principal, et de Camille
Léon-Fucien, la serveuse de l’aéroport, qui sont tous les deux en
situation d’obésité. En décembre, lorsqu’ils ont lu la version finale
du scénario, la tonalité leur est apparue juste. Je pense que la
qualité de la dynamique lors des échanges avec le comité de pilotage
ont permis de bâtir une trame qui leur parlait par rapport à leur vécu.
Comment et où s’est déroulé le tournage ?
Nous avons tourné pendant trois jours à Coulommiers, chez TSF Studios
& Backlot 77. Sur cet aérodrome situé en Seine-et-Marne, à 50
kilomètres de Paris, il y a un avion de tournage, posé au sol, sans
aile. C’est une expérience assez exceptionnelle de tourner dans la
cabine d’un Airbus A320 et de pouvoir simuler un vol sur la terre
ferme, d’autant que nous avons fait appel à dix acteurs qui jouent les
personnages principaux et secondaires, et à une quarantaine de
figurants pour incarner les passagers de l’appareil qui rejoint les
Etats-Unis. La dernière journée a été tournée dans un restaurant à
Paris pour refléter l’ambiance d’une cafétéria d’aéroport. Cette
séquence sera d’ailleurs la première que l’on voit dans le film.
Avez-vous rencontré des difficultés sur le tournage ?
Non, toute l’équipe était enthousiaste et motivée. Grâce au
professionnalisme des acteurs et aux techniciens expérimentés,
l’exiguïté des lieux n’a posé aucun problème. De plus, j’avais demandé
à mon directeur de production de recruter des personnes
bienveillantes. C’est fondamental de pouvoir travailler en se
respectant mutuellement. On crée mieux et en confiance. Cela nous a
permis, malgré la petitesse de l’endroit, de ne pas s’énerver,
d’accélérer quand il le fallait. Le sujet du court-métrage a également
joué un rôle moteur et donné de l’énergie à l’équipe qui a compris
l’importance de la lutte contre l’obésité.
Quelles sont les ultimes étapes avant la diffusion du film ?
On a réalisé le montage en une semaine, avant d’attaquer la
post-production sonore. Le musicien Youri Rebeko accompagne ce projet
depuis le début. C’est très agréable, et rare, de commencer un
tournage avec des propositions musicales. Cela aide et inspire
davantage les scènes et, peut-être même, la manière de réaliser. Pour
le musicien, la dernière étape consiste à s’appuyer sur le montage
quasi-définitif du court-métrage pour ajuster ses maquettes musicales
à l’image. La musique du film repose sur un mélange de piano avec des
sons électroniques. On oscille entre un tempo plus léger de l’ordre de
la comédie et des sons plus décalés, plus dissonants, pour coller à
cette notion de « Perturbations » qui va régner
dans l’avion. Une fois que tout sera calé, le film sera
disponible.
Sur quels supports le court-métrage sera-t-il visible ?
Il sera projeté en avant-première le 28 février au MK2 Bibliothèque à
Paris (1). On pourra aussi le découvrir sur le site Perturbations.fr, et sur tous
les supports numériques susceptibles d’être intéressés pour diffuser
ce message réalisé dans le cadre de la Journée mondiale de l’obésité.
Ce qui me plaît aussi, c’est la deuxième vie de ce film. Il pourra
être vu sur une clé USB et accompagnera des fiches pédagogiques à
destination des enseignants afin qu’ils puissent faire passer le
message du respect et de l’acceptation de cette différence physique
aux jeunes générations. Cela me touche particulièrement, car de
manière générale, je vois un film comme un outil qui favorise la
réflexion, permet de délivrer un message et ouvre un dialogue.
A travers l’écriture et la réalisation de « Perturbations », votre
regard sur l’obésité a-t-il changé ?
Oui, c’est une évidence. Au départ, je n’avais pas particulièrement
de regard sur la maladie. Mais surtout, je n’imaginais pas les
réactions, les réflexions ou les regards auxquels sont confrontées
quotidiennement les personnes en situation de l’obésité. Écouter les
patients et discuter avec le comité de pilotage m’ont mis en alerte.
Du coup, à travers l’écriture et la conception de ce court-métrage,
j’ai pu concrétiser la défense de cette cause. C’est ma petite pierre
à l’édifice. C’est crucial pour moi, à la fois par rapport à mes
envies et à mes valeurs : raconter une histoire comme celle de Victor,
c’est transmettre au public de la bienveillance et de la fraternité.
Philippe Saint-Clair
Références
(1) Le film « Perturbations » a été projeté le mardi 28 février 2023,
au MK2 Bibliothèque, 128-162 avenue de France, Paris 13e.
Jérôme Genevray, un homme de cinéma d’idées
Ecrire, ré-écrire, tourner. Telle est la devise de Jérôme Genevray,
homme de cinéma dont la signature ponctue, notamment, le scénario du
film La
Nuée sorti en 2020 et propulsé numéro 1 mondial pendant une
semaine lors de sa diffusion sur Netflix.
Scénariste, créateur de films publicitaires, consultant narratif
pour des jeux vidéo, réalisateur et auteur de deux livres sur le
cinéma, ce touche-à-tout de la caméra passe de l’écriture de séries et
à la conception de longs-métrages avec talent et agilité
intellectuelle. Lui qui aime les contes, les légendes et les mythes
pour leur portée universelle et symbolique ne se prive pas d’explorer
des contrées cinématographiques inhabituelles où l’autodérision et la
caricature le dispute parfois à l’irrationnel et l’expérimental.
Sa filmographie recense quelques morceaux choisis comme La Pomme
d’Adam avec Bérénice Bejo qui pointe du doigt les rapports homme/femme
ou Zombi Chéri, une satire sociale qui puise son inspiration dans une
histoire d’amour improbable au cœur d’un Paris peuplé de
morts-vivants. Déroutant ? Sans doute, mais dans le cinéma de
Genevray, les acteurs et l’intrigue constituent les leviers du débat
thématique. « Perturbations » atterrit sur
la même piste : celle de la confrontation des points de vue.
Journée mondiale de l’obésité 2022 : libérer la parole, stopper les
préjugés
Pour lutter contre les idées reçues, neuf personnes en situation
d’obésité ont accepté de servir de modèle dans le cadre d’une campagne
de sensibilisation à l’initiative de Novo Nordisk. Le public découvrira
leur parcours dans le métro parisien et sur les réseaux sociaux à partir
du 28 février.
Pourquoi les connaissances ne sont-elles pas toujours suffisantes pour
prendre en charge l’obésité?
La plupart des actions contre l’obésité se concentrent sur la prévention
et le font à travers «l’éducation». Mais il y a une raison pour laquelle
cette approche n’a eu aucun impact sur l’obésité, quels que soient nos
efforts d’éducation.
Allons de l’avant: de l’exclusion au monde libre de toute stigmatisation
du poids
La distanciation sociale n’est pas une nouveauté pour tout le monde. Les
personnes atteintes d’obésité en sont, en réalité, des experts. Au
moment où nous réinvestissons le monde en tant que société, je me
demande si nous pouvons choisir d’en faire un meilleur endroit pour chacun.
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